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L’amour et le pardon comme politique. Par Lionel Degouy.

L’amour et le pardon, la compassion, l’oubli de soi, l’abandon à l’autre, sont des postures éminemment politiques. C’est d’ailleurs l’amour seul qui nous invite à ces postures. Il est, de ce fait, présent en tout ce qui peut faire de nous des femmes et des hommes libres. C’est acquis. Et la pertinence des différents messages humanistes face à nos désarrois contemporains pourraient désarçonner bien des consciences, bonnes ou mauvaises, et faire ainsi que l’Homme reconnaisse tout autant la bonté qu’il a reçue que celle qu’il donne. Il faudrait, pour ainsi dire, parler d’amour, de compassion, d’oubli de soi, d’abandon à l’autre, quand on parle politique. Mais également de réconfort. De celui qui donne à tous un toit, une occupation à la hauteur des ambitions de chacun. Ce n’est pas être trop exigeant que de vouloir, en notre temps, que tous nous ayons droit à notre part de dignité. À notre part de bonheur. Ce bonheur si léger, modeste et facile à comprendre.

Cet amour possible, celui de l’humanité, m’est confirmé chaque fois qu’en lieu et place de la colère, j’installe en moi la paix, la paix sereine, la paix de l’abandon. Et je perçois souvent les possibilités qu’il y a d’imaginer un monde fait de cette paix, de cette justice. Or, la justice veut tout. Elle veut l’amour, non pas la haine. Elle veut la paix, non pas la guerre. Elle veut l’apaisement, non pas la douleur. Elle veut la compassion, non pas le jugement. La justice est amour, paix, douceur et attention. Inaltérable mansuétude. La justice, tout comme l’entière humanité, veut effectivement le bonheur simple d’un amour léger, d’un amour sans détours. Oui, l’amour est immuable et nul ne peut le nier. C’est ainsi qu’il construit notre avenir : finies les haines fratricides, les guerres forcément meurtrières, les jugements sournois, les médisances malsaines. Il n’est pas nécessaire de démontrer : qui pourrait vraiment dire l’amour ? Et le pardon, l’oubli de soi, l’abandon à l’autre ? Alors il faut être conscients que toutes ces choses, tous ces mystères, ainsi que la politique, ne souffrent pas qu’on se moque d’elles. Car elles engagent le monde.

Alors, oui, il faut sans détours parler de politique. Puisqu’en l’occurrence l’amour n’est pas la guerre. Et que l’amour – n’en déplaise à certains, certaines – n’est pas non plus la haine. Or nous disons que si la haine fatigue et finit par achever, l’amour, lui, offre le repos d’éternité comme avenir, présent, passé. Cet amour qui fait si couramment place à la vie. Vie de bohème ou vie tranquille – qu’importe ? C’est la vie de toujours. La vie qui rie, pleure, chante et se lamente. La vie des amertumes, la vie des peurs. La vie des joies. Aussi.

On peut donc annoncer la gloire à venir des femmes et des hommes qui aiment, désirent, avec tout contre eux, pour eux, l’amour de leurs vingt ans – j’entends que nous fîmes tous un jour, une heure, une seconde, l’expérience de l’amour, du pardon, de l’abandon à l’autre. C’est un pari. Qui prend le risque de se mouvoir en certitude : en rien je ne puis nier le fait que j’ai connu cet amour-là. Cet amour-là, et pas un autre.

Quoi qu’il en soit, il faut être rêveur pour véritablement penser ou repenser nos institutions ! Or le peuple est rêveur. Car, si par la force des choses, il ait nécessairement les pieds sur terre, il ne faut pas se résigner à voir ce peuple ne jamais lever la tête et se mettre à rêver de jours meilleurs, d’amour de l’autre, d’espoirs réalisables.

Encore faut-il y croire un peu. Rêver, peut-être.

Lionel Degouy est né en 1969 à Neuilly. Après des études de théologie à la Faculté protestante de Paris, divers engagements syndicaux et religieux, et des expériences monastiques en divers lieux, il s'installe à Montpellier. Sa vie est rythmée entre le retrait dans la lecture et la méditation, et l’activité d’écriture pour des publications diverses.

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