Le second manifeste d’Alter Cogito. Texte : Lionel Degouy. Photo : Natalia Soreyn.
L’amour et le pardon, la compassion, l’oubli de soi, l’abandon à
l’autre, sont des postures éminemment politiques. C’est d’ailleurs l’amour
seul qui nous invite à ces postures. Il est, de ce fait, présent en tout ce qui
peut faire de nous des femmes et hommes libres. C’est acquis. Et la
pertinence des différents messages humanistes face à nos désarrois
contemporains pourraient désarçonner bien des consciences, bonnes ou
mauvaises, et faire ainsi que l’Homme reconnaisse tout autant la bonté
qu’il a reçu que celle qu’il donne. Il faudrait, pour ainsi dire, parler
d’amour, de compassion, d’oubli de soi, d’abandon à l’autre, quand on
parle politique. Mais également de réconfort. De celui qui donne à tous un
toit, une occupation à la hauteur des ambitions de chacun. Ce n’est pas
être trop exigeant que de vouloir, en notre temps, que tous, nous ayons
droit à notre part de dignité. À notre part de bonheur. De ce bonheur-ci
léger, modeste et facile à comprendre.
Cet amour possible, celui de l’humanité, m’est confirmé chaque fois
qu’en lieu et place de la colère, j’installe en moi la paix, la paix sereine, la
paix de l’abandon. Et je perçois souvent les possibilités qu’il y a
d’imaginer un monde fait de cette paix, de cette justice. Or, la justice veut
tout. Elle veut l’amour, non pas la haine. Elle veut la paix, non pas la
guerre. Elle veut l’apaisement, non pas la douleur. Elle veut la
compassion, non pas le jugement. La justice est amour, paix, douceur et
attention. Inaltérable mansuétude. La justice, tout comme l’entière
humanité, veut effectivement le bonheur simple d’un amour léger, d’un
amour sans détours. Oui, l’amour est immuable et nul ne peut le nier. C’est
ainsi qu’il construit notre avenir : finies les haines fratricides, les guerres
forcément meurtrières, les jugements sournois, les médisances malsaines.
Il n’est pas nécessaire de démontrer : qui pourrait vraiment dire l’amour ?
Et le pardon, l’oubli de soi, l’abandon à l’autre ? Alors, il faute être
conscients que toutes ces choses, tous ces mystères, ainsi que la politique,
ne souffrent pas qu’on se moque d’elles. Car elles engagent le monde.
Alors, oui, il faut sans détours parler de politique. Puisqu’en
l’occurrence, l’amour n’est pas la guerre. Et que l’amour – n’en déplaise à
certains – n’est pas non plus la haine. Or, nous disons que si la haine
fatigue et finit par achever, l’amour, lui, offre le repos d’éternité
comme avenir, présent, passé. Cet amour qui fait si couramment
place à la vie. Vie de bohème ou vie tranquille – qu’importe ?
C’est la vie de toujours. La vie qui rie, pleure, chante et se lamente. La
vie des amertumes, la vie des peurs. La vie des joies. Aussi.
On peut donc annoncer la gloire à venir des femmes et des hommes
qui aiment, désirent, avec tout contre eux, pour eux, l’amour de leurs
vingt ans – j’entends que nous fîmes tous un jour, une heure, une seconde,
l’expérience de l’amour, du pardon, de l’abandon à l’autre. C’est un pari.
Qui prend le risque de se mouvoir en certitude : en rien, je ne puis nier le
fait que j’ai connu cet amour-là. Cet amour-là, et pas un autre.
Quoi qu’il en soit, il faut être rêveur pour véritablement penser ou
repenser nos institutions ! Or le peuple est rêveur. Car, bien que par la
force des choses, il ait nécessairement les pieds sur terre, il ne faut pas se
résigner à voir ce peuple ne jamais lever la tête et se mettre à rêver de
jours meilleurs, d’amour de l’autre, d’espoir réalisables.
Encore faut-il y croire un peu. Rêver, peut-être.